Un regard sur Annick Mischler
par Cécile Dufay, galeriste et commissaire d’exposition.
Annick Mischler porte un regard clair et étonné sur le monde, mélange d’ingénuité et de réserve cultivée qu’il est devenu rare de rencontrer.
Ce qui frappe tout d’abord, c’est la simplification des formes. Enfant d’un siècle minimaliste, elle choisit d’exprimer un minimal dense, appuyé, lisible mais intriguant. Annick Mischler ne « donne pas à voir » – elle « attire à voir », et on se laisse piéger par cette fausse simplicité qui vous happe dans des méandres complexes de jeux de couleurs, de superpositions, de grattage, comme si rien, jamais, ne pouvait être simple malgré nos efforts.
La peinture d’Annick Mischler est mouvante. Ses paysages recomposés, chantants et mystérieux, soulignent une trace humaine incongrue, posée là au milieu des feuillages, comme sans amarres. Elle vous attire – ailleurs. Au point de rencontre entre nous et le monde, un point de bascule, où tout se codifie mais rien ne s’explique. Dans cet ailleurs, les références culturelles, classiques, littéraires, antiques, sont l’écho d’une présence in fine silencieuse, celle des Hommes. C’est le décor qui chante chez elle, les personnages sont privés de son. Ils sont des traces – signes parmi les écritures.
La peinture « figurative » d’Annick Mischler invite à une forme active d’introspection. Profondément poétique et maîtrisé, son geste est puissant. Les couleurs vibrent, sont comme arrachées au papier, à la toile. Vous êtes happés, mais restez étranger. Au fond, sa peinture est une leçon picturale sur la difficulté du « Dasein ».
Mais cette méditation-là ne vous coupera de rien, et vous amènera à l’idée de vivre, sans chercher finalement à comprendre. Parce que c’est beau – comme cela.